«L’usine du monde» repart à plein régime
Pin Han ne sait plus où donner de la tête. Ses deux téléphones portables, un noir et un rose, ne cessent de sonner pendant qu’elle traverse les longues allées de son usine de 300 ouvriers qui fabriquent des emballages pour des produits destinés à être exportés dans le monde entier.
Un technicien l’appelle pour une signature, un ouvrier lui présente les maquettes du design qui enveloppera des ordinateurs Hewlett Packard, des boîtes de poupées Barbie ou des pochettes plastifiées pour des voitures miniatures de collection des tonnes de planches cartonnées épaisses viennent d’arriver ce matin dans l’immense hall de stockage.
Les plieuses, coupeuses et autres machines à formater les futurs emballages avalent jusqu’à plus soif la matière première.
Pin Han, patronne à 29 ans et mère de deux enfants, gère également le bâtiment voisin, une imprimerie qui publie les «modes d’emploi» en 20 langues étrangères de tous les produits imaginables, de l’ordinateur au rasoir électrique en passant par les appareils photo et les brosses à dents sophistiquées.
Il y a un an exactement, plus de 100 000 usines avaient dû fermer leurs portes et licencier plus de six millions d’ouvriers dans la province du Guangdong (100 millions d’habitants), voisine de Hong Kong.
Dans la ville de Dongguan, au coeur de cette «usine du monde», où se fabriquent des produits manufacturés exportés dans la terre entière, les trains et les bus avaient été pris d’assaut par des centaines de milliers d’ouvriers migrants ayant perdu leur emploi et rentrant dans leur village natal à l’autre bout de la Chine.
Liang Bin, 38 ans, patron d’une usine fabriquant des bols, assiettes, plats et saladiers en mélamine aux décorations chinoise ou illustrés de personnages de bandes dessinées célèbres en Asie ou en Europe, se souvient avoir dû renvoyer la moitié des 1 000 ouvriers de son usine.
Aujourd’hui, les machines dans lesquelles on verse des granules de mélamine et d’où ressortent les bols ou assiettes fonctionnent jour et nuit.
Sans lunettes ni protection, en dépit de la poussière et des éclats de plastique qui sautent à chaque compression, un jeune ouvrier, concentré, affirme fabriquer «2 000 bols dans la journée et autant la nuit sur cette machine».
Dans cette zone industrielle du district de Qishi, un des 32 districts qui constituent l’agglomération totale de Dongguan, les usines voisines ne sont pas en reste.
Cette «ville-usine» est peuplée de 14 millions d’habitants, selon les chiffres officiels (en réalité beaucoup plus), attirés par un million d’usines de toutes tailles!
«Même les autorités de la ville ne savent pas combien d’usines sont implantées ici», assure Du Ze, embauché aux services des douanes.
Ce jeune diplômé de l’université de Canton est installé à Dongguan depuis cinq ans avec sa jeune épouse, qui travaille dans une compagnie d’assurances privée.
Jamais nous n’aurions pu imaginer souffrir d’une crise économique quelconque.
Entre nous, jeunes diplômés, on ne parle plus de la peur du chômage.
De grandes entreprises informatiques, comme Lenovo, recommencent à exporter et investissent dans la recherche-développement.
Devant l’usine Electronix and Cie, entourée de chantiers en construction, le gardien ouvre la longue grille devant le manager Raymond Lai qui se précipite pour accueillir les visiteurs, dont Pin Han, qui fabrique les emballages de sa production : sèche-cheveux et cafetières électriques. Source