18 septembre 2024

Crédit agricole, BNP Paribas…

BanqueDans les fichiers “Offshore Leaks” révélés par Le Monde daté du 5 avril, il apparaît que deux banques françaises majeures, BNP Paribas et le Crédit agricole, ont supervisé la création de très nombreuses sociétés offshore pour des clients recherchant la confidentialité et une fiscalité plus faible, dans les îles Vierges britanniques, dans les îles Samoa ou à Singapour, à la fin des années 1990 et tout au long des années 2000.

C’est ce que dévoile le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ) qui travaille sur ce dossier depuis plus d’un an et dont les données s’arrêtent au début de l’année 2010.

Selon ces documents secrets, BNP Paribas opère par l’intermédiaire de ses filiales à Singapour et à Hongkong, alors que le Crédit agricole s’appuie sur sa filiale suisse, dont le siège est à Genève.

Dans les deux cas, les sociétés ont été constituées depuis les filiales asiatiques.

Et avec l’aide d’un prestataire spécialisé sur l’offshore et la création de sociétés clés en main (ces fameuses quick companies, créées en moins de 48 heures), Portcullis TrustNet, pour de riches clients se déclarant domiciliés en Asie, dissimulés derrière des prête-noms.

La constitution de telles sociétés de droit anglo-saxon n’est pas illégale en soi, tant qu’elle n’est pas proposée à des clients de pays où ces sociétés sont interdites (comme la France, où la loi exige de connaître le bénéficiaire d’une société et interdit le trust).

De l’avis concordant d’experts de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales internationales, elle place donc toutes les banques qui s’y adonnent en risque sérieux de complicité de fraude fiscale voire de blanchiment d’argent.

En participant activement à la création de ces sociétés offshore, les banques françaises contribuent à l’opacité financière internationale.

Une pratique en contradiction avec les principes qu’elles n’ont de cesse d’affirmer haut et fort publiquement.

Comme le 17 avril 2012, quand Baudouin Prot, président du groupe BNP Paribas, déclarait à la commission d’enquête du Sénat sur l’évasion fiscale : “Pour nous, il n’y a pas de compromis dans ce domaine : nous tenons à être absolument exemplaires.”

Ou comme ce 30 janvier 2013, lors de l’audition des dirigeants des grandes banques françaises devant les députés, au moment de l’examen du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.

De concert, ils ont affirmé que leurs activités dans les paradis fiscaux étaient marginales ou en relation avec le financement de l’économie réelle (par exemple, le financement de bateaux ou d’avions dans des Etats offrant un droit des contrats accommodant).

BNP Paribas affirme que ces sociétés ont été constituées dans la plus stricte légalité, pour le compte de clients asiatiques ou domiciliés en Asie, dont elle “connaît l’identité” et dont elle a “contrôlé l’origine et l’emploi des fonds ainsi que les motivations”.

Toujours selon BNP Paribas, ces clients ne chercheraient pas à échapper à l’impôt sur le patrimoine, faible en Asie, mais à mettre celui-ci à l’abri dans des territoires protégés par le secret des affaires afin de le transmettre à leurs héritiers en toute confidentialité le jour venu.

“En Asie et dans les pays du Commonwealth, la plupart des transmissions se font par des trusts dans des territoires offshore, justifie BNP Paribas.

Ainsi, les actionnaires réels de la société Muju International Limited, créée aux îles Vierges britanniques par BNP Paribas banque privée à Singapour, sont domiciliés en Grèce.

Donc dans un pays européen, placé sous assistance financière de l’Europe depuis 2010 et dont les finances publiques ont été gangrenées par l’évasion fiscale.

Le Crédit agricole s’est refusé à commenter des informations confidentielles, retranché derrière “le secret bancaire et les autres règles applicables en matière de confidentialité, dont le non-respect est passible de sanctions”.

Qui s’avérerait parfaitement “indétricotable” pour l’administration fiscale qui voudrait y regarder de plus près, afin d’en contrôler les flux et la légalité, et remonter jusqu’aux bénéficiaires économiques réels.

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