Betancourt : Comment Uribe a doublé Sarkozy
Mais arrête d’invoquer le Bon Dieu à tout moment! Et leur explique que sa foi lui a permis de tenir.Ainsi, dimanche 6 juillet, sitôt achevé le déjeuner avec son ami Dominique de Villepin, elle part prier à l’église Saint-Sulpice puis se rend en fin d’après-midi au Sacré-Coeur de Montmartre, une visite qu’elle s’était promis de faire durant ses longues méditations dans la jungle.
Elle ira aussi en famille à Lourdes se «recueillir devant la Vierge».
Toujours accompagnée de son petit chapelet confectionné dans la forêt et fixé au poignet.
Lequel lui a déjà donné un accord de principe.
Remise de la Légion d’honneur par le président Sarkozy, invitation au défilé du 14 Juillet, réception au Sénat puis à l’Assemblée nationale et, bien sûr, interviews en rafale entrecoupées de larmes et de souvenirs douloureux.
Un agenda de chef d’Etat pour l’icône réchappée de l’enfer vert.
Pas dans l’immédiat, par crainte d’un attentat.
Mais un possible retour en politique lors de l’élection présidentielle colombienne de 2010.
«Si je peux être un recours, je le serai», glisse-t-elle.
Car là-bas un homme triomphe : le président Alvaro Uribe, 56 ans, au pouvoir depuis 2002 et chef d’orchestre d’une libération ahurissante.
Celle de 15 otages parmi lesquels 3 Américains et la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, aux mains des FARC, la plus vieille guérilla du monde nourrie au trafic de cocaïne.
Un scénario digne de Hollywood avec ses hommes infiltrés, ses hélicoptères militaires repeints en blanc et ses commandos déguisés en faux journalistes et faux humanitaires.
Un coup de maître à la barbe de Nicolas Sarkozy, tenu à l’écart de l’opération et informé du dénouement…
un quart d’heure avant les agences de presse.
Certes, une heureuse nouvelle pour la France mais une pilule amère à avaler pour sa diplomatie.
«Sarkozy aurait voulu y être associé pour aller chercher lui-même Ingrid en Colombie», reconnaît un acteur du dossier.
Uribe, l’homme au visage de prélat et au sourire rare, ne lui a pas offert ce plaisir.
Son opération de sauvetage, il la mitonne depuis quatre mois.
«Nous nous employons à infiltrer les FARC», se contente-t-il de dire à son homologue français.
«Attention à la sécurité des otages», lui répond Sarkozy, soucieux d’éviter tout recours à la force.
Il se méfie de la France, partisane d’une solution négociée à tout prix et à ses yeux obnubilée par l’affaire Betancourt.
Il taira donc ses plans afin de ne pas s’exposer à un veto de Paris.
Pourtant, le camp français pressent un événement.
Les services de renseignement signalent à l’Elysée l’arrivée au-dessus de la jungle d’un avion de surveillance américain bourré d’électronique.
De retour de Caracas, l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin nourrit, lui aussi, une conviction.
«Une libération est possible cet été», confie-t-il à Astrid, la soeur d’Ingrid.
Six jours avant le déclenchement de sa spectaculaire opération, il reçoit dans son palais le Français Noël Saez et le Suisse Jean-Pierre Gontard, les deux émissaires chargés par la France, l’Espagne et la Suisse de rétablir le contact avec les FARC.
Le président colombien les autorise à repartir dans la forêt près de la frontière équatorienne.
Précaution supplémentaire : Uribe diffuse un communiqué de presse sur la mission franco-suisse.
Une façon de détourner l’attention des FARC et de se laisser le temps de peaufiner les derniers détails de l’opération.
«On a sans doute été manipulés», reconnaît-on du côté français.
A Bogota, les réunions décisives ont lieu entre le 4 et le 20 juin.
Durant leurs conversations, les militaires ont pour consigne de couper leur portable et de pousser le volume des radios et des télévisions afin d’éviter les oreilles indiscrètes. Source complète