« Les témoins avaient peur de parler sur PV de Sarkozy »
Dans un livre à paraître demain, deux journalistes donnent la parole à ceux qui ont subi la colère du président de la République. L’affaire Bettencourt y occupe une bonne place. La juge Isabelle Prévost-Desprez affirme notamment qu’un témoin a vu le chef de l’Etat récupérer des enveloppes d’argent liquide chez Liliane Bettencourt. Il y a trois types de victimes du sarkozysme. Les politiques, comme Dominique de Villepin, Christine Boutin ou Patrick Devedjian – mais n’est-ce pas la jungle que le pouvoir?
Les serviteurs de l’Etat, tels ces préfets ou hauts fonctionnaires (Pierre de Bousquet de Florian, Jean Charbonniaud, Eric Delzant), ou encore ces policiers et gendarmes (Jean-Pierre Havrin, Jean-Hugues Matelly, Yannick Blanc, Dominique Rossi) sanctionnés ou mutés pour les besoins du clan, ou ces magistrats décrétés adversaires gênants (Renaud Van Ruymbeke, Isabelle Prévost-Desprez).
Et puis des Français qui auraient pu ne jamais avoir maille à partir avec le président, comme cette journaliste people intéressée par Cécilia Sarkozy, la comptable de Liliane Bettencourt, tel humoriste radiophonique ou même ce grand banquier.
Certains en rajoutent, se poussant du col au martyrologe, d’autres ont été fascinés et zélés avant d’être sacrifiés. Extraits exclusifs de Sarko m’a tuer, un livre écrit par deux journaliste du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme. « Donc, je leur raconte que les Bettencourt donnaient de l’argent à des politiques.
Et là, je leur raconte, notamment, comment de Maistre m’a demandé de l’argent… Et je détaille l’épisode Woerth-de Maistre, qui m’avait choquée, surtout parce qu’à l’époque Dédé, comme on surnommait André Bettencourt dans la maison, était malade et que Liliane n’avait plus toute sa tête.
J’explique que de Maistre m’a demandé de retirer 150 000 euros destinés à Eric Woerth pour le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.
Là, j’ai vu que les policiers étaient satisfaits : « Ah, vous allez être délivrée d’un poids maintenant. »
Là, je me suis dit que cette histoire prenait quand même des proportions considérables, avec l’évocation du nom de Sarkozy et de sa campagne électorale. »
[Après plusieurs auditions éprouvantes, Claire Thibout part se mettre au vert.]
Les cousins de la comptable résident à Fourques, un patelin minuscule, dans le Gard.
« J’étais épuisée et à bout de nerfs.
J’ai débranché mon portable et j’ai été me coucher », se remémore Claire Thibout.
Ses ennuis ne font pourtant que débuter.
Le lendemain matin, mercredi 7 juillet, vers 11 heures, elle se décide à rallumer son téléphone.
Elle trouve un message de son avocat lui disant qu’elle doit rentrer à Paris, que la police la cherche d’urgence.
Puis un gendarme sonne et lui enjoint de contacter la brigade financière [BF].
Inquiète, elle appelle, mais le policier de la BF dont le gendarme lui a donné le numéro est parti déjeuner.
Elle décide donc de prendre la direction de la gare d’Avignon, afin de prendre un train pour Paris.
A peine montée en voiture, son portable sonne : « Ne partez surtout pas, restez là où vous êtes, on vous donnera la marche à suivre », lui intime un policier.
« Et là, je découvre, ahurie, deux cars de CRS et plusieurs estafettes de gendarmerie devant la maison de mes cousins! »
Finalement, au bout de plusieurs heures d’une attente angoissée, Claire Thibout est informée par téléphone qu’une équipe de la BF va descendre de Paris tout spécialement.
« Ils m’ont fait peur, ils étaient quatre hommes et une femme et ont surgi par la cuisine plutôt que par l’entrée principale.
Ils ont dit à mes cousins de « dégager », puis m’ont lancé : « Vous savez pourquoi on vient. »
Les policiers voulaient me faire dire que Mediapart était un journal de voyous.
Alors je leur ai répondu que je n’avais pas formulé ma réponse aussi précisément que ça, que j’avais dit qu’il y avait des politiques qui venaient à la maison, parmi lesquels Sarkozy, et que je me doutais qu’ils devaient recevoir de l’argent.
Concernant Sarkozy, je me souviens d’avoir précisé que je n’avais pas de preuve, mais qu’il pouvait avoir touché de l’argent. »
« Et puis, glisse Claire Thibout encore émue, à un moment, comme je me sentais vraiment très mal, j’ai lâché sur un point précis, celui du financement éventuel de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur, que les propos figurant dans l’article de Mediapart relevaient de la « romance ».
C’est cette expression qui sera ensuite utilisée pour tenter de décrédibiliser mon témoignage. »
Là, dans ce commissariat sinistre, face à plusieurs policiers déterminés, je me suis rendu compte de ce qui se passait.
« Ce qui m’a frappée dans le supplément d’information que j’ai conduit, c’est la peur des témoins, confie Isabelle Prévost-Desprez.
Sans la moindre hésitation, la magistrate lâche alors une bombe.
Dominique Rossi, coordinateurde la sécurité en Corse, démis de ses fonctions après l « invasion » de la pelouse de la maisonde Christian Clavier, le 30 août 2008.
Très vite, le préfet Pierre de Bousquet de Florian, suspect aux yeux de Sarkozy depuis l’affaire Clearstream, est débarqué, dix-huit mois après son arrivée à Nanterre. S