L’Etat s’attaque à la presse en ligne
L’Etat s’attaque à la presse en ligne. Mediapart a reçu, ce mardi 17 décembre, par huissier un avis de contrôle fiscal portant explicitement sur la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) appliquée à notre recette unique, les abonnements de nos lecteurs. Deux autres membres fondateurs du SPIIL, Terra Eco, dirigé par Walter Bouvais, et Arrêt sur images, créé part Daniel Schneidermann, font l’objet de contrôles fiscaux, signifié tout récemment pour le premier et persistant depuis trois ans pour le second qui est toujours en contentieux avec l’administration.
Ce statut de la presse en ligne, entré en vigueur en 2009 et traduit par un siège dédié au sein de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), signifiait que, désormais, l’État reconnaissait une égalité de droit entre presse imprimée et presse numérique, égalité qu’il s’engageait à défendre et à promouvoir.
La haute administration du ministère des finances, qui a avalisé cette démarche à notre encontre, entend nous reprocher d’appliquer depuis 2011 le même taux de TVA (2,1 %) que la presse imprimée.
De fait, ni Indigo ni Mediapart n’ont recours aux aides publiques, pas plus qu’à la publicité ou au mécénat.
C’est donc cette nouvelle presse, plus vertueuse, refusant les conflits d’intérêts et ne vivant que de ses lecteurs, seule garantie de son indépendance, que l’attaque décidée par la haute administration des finances met aujourd’hui en péril.
L’actuelle ministre de la communication affirme ainsi, depuis qu’elle est en place, défendre auprès de l’Union européenne la TVA à 2,1 % pour la presse numérique mais attendre une harmonisation des TVA européennes pour l’officialiser.
Elle l’a encore répété, en défendant les mêmes principes que ceux appliqués par Mediapart et Indigo, dans un entretien la semaine passée à France Inter. En vérité, c’est la France qui, aujourd’hui, est déjà en faute par rapport au droit européen.
La même année 2011 où nous décidions d’appliquer la TVA réduite, un arrêt du 10 novembre de la Cour de justice de l’Union européenne, dit arrêt Rank, a en effet condamné le Royaume-Uni pour avoir mis en oeuvre des TVA différentes pour des produits semblables, quel que soit leur support.
De plus, en 2013, la Commission européenne a publié la synthèse de ses consultations sur le «réexamen de la législation existante sur les taux réduits de TVA», menées en 2012.
Avec cette lettre de cachet fiscale, aussi injuste qu’arbitraire, l’État se révèle incompétent, aveugle et partisan.
Incompétent, car il ne tient compte d’aucune des nombreuses recommandations qui l’ont invité à innover dans notre secteur en donnant à la presse en ligne tous les moyens pour se développer.
Notre bataille pour l’égalité de toutes les presses, quel que soit leur support, est celle du droit et de la justice, contre l’injustice et la discrimination.
résumé art Edwy Plenel de Mediapart