Les « polluants éternels » ont contaminé toute l'Europe
Ces substances de synthèses utilisées pour la fabrication d'une multitude d'objets, comme des poêles antiadhésives, des peintures, des vernis, des pesticides… ont été développées depuis les années 1940. Ces composés ont été détectés sur plus de 17.000 sites en Europe, dévoile un collectif de médias dont « Le Monde ».
Par Les Echos
Une pollution de très grande ampleur vient d'être mise à jour par dix-sept médias européens, dont « Le Monde ». Ils ont cartographié, pour la première fois, la présence des polluants dits « éternels » et surnommés PFAS (prononcé « pifasse », à l'anglaise). Ces composés chimiques invisibles et inodores sont présents sur 17.000 sites en Europe (au-delà de 10 nanogrammes par litre), indique la coalition de médias. L'enquête a aussi identifié 21.500 sites « présumés contaminés », notamment autour d'aéroports, à cause des mousses anti-incendie régulièrement utilisées lors d'exercices.
Ces substances, dont la toxicité nourrit une inquiétude croissante , ont été détectées sur 2.100 sites à des niveaux dangereux pour la santé (plus de 100 nanogrammes par litre), selon les résultats du « Forever Pollution Project ». Un lac norvégien, le Danube Bleu, une rivière tchèque et des régions immenses autour des bassins de la chimie font ainsi partie des sites les plus touchés.
Les journalistes ont aussi localisé vingt usines de production et 230 autres utilisatrices de PFAS. La production se trouve principalement en Allemagne (6 sites, notamment d'Archroma et des américains 3M Dyneon et W.L. Gore). En France, on compte cinq usines, celles d'Arkema et Daikin, au sud de Lyon, mais aussi de Chemours et Solvay.
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L'enquête a ainsi permis de réaliser, selon eux, la première cartographie européenne des sites contaminés ou suspectés de l'être, en s'appuyant sur des méthodologies d'experts, des données et des « milliers de prélèvements environnementaux » de 2003 à 2023.
« Ça prouve ce qu'on craignait fortement : la contamination très importante de très vastes zones […] qui en ont pour des siècles de pollution dangereuse », a réagi François Veillerette, porte-parole de Générations Futures, qui réclame « un état des lieux fouillé officiel » sur la contamination en France.
Vers une interdiction
Il faut dire que ces substances sont présentes dans de nombreux objets de la vie courante : poêles en Téflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles… Or ces molécules sont quasi-indestructibles, d'où leur surnom. Elles sont décrites par certains experts comme « la plus grande menace chimique au XXIe siècle » mais jugées en partie incontournables par l'industrie.
Selon des études, l'exposition aux PFAS peut avoir des effets sur la fertilité et le développement du foetus. Elle peut aussi augmenter les risques d'obésité, de certains cancers (prostate, reins et testicules) et le cholestérol. Le coût annuel pour la santé publique européenne est estimé entre 52 et 84 milliards d'euros, selon un rapport norvégien de 2019.
Aux Etats-Unis, le conglomérat américain 3M, connu pour ses « Post-it » ou ses masques, s'est retrouvé le premier sur la sellette. Attaqué en justice pour ses usines américaines et en Belgique, il a annoncé fin décembre qu'il arrêterait d'ici fin 2025 la production de PFAS.
De l'autre côté de l'Atlantique, les autorités sanitaires allemandes, danoises, néerlandaises, norvégiennes et suédoises ont déposé mi-janvier auprès de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) un projet visant à bannir ces composants, appuyés par d'autres pays dont la France. Mais une éventuelle interdiction, au terme du processus, ne serait mise en oeuvre qu'après 2026.
Le processus pourrait aussi être freiné par le secteur, qui compte bien défendre ses intérêts. En effet, l'organisation des producteurs de PFAS (la FPP4EU) estime difficile de se passer de ces substances, vantant leurs nombreuses propriétés (résistance, lubrification, durabilité…) et leur rôle central dans des secteurs tels que la pharmacie ou l'automobile.
Avec AFP
Les Echos