16 avril 2024

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Une Mercedes avec un diesel Renault

Renault-MercedesDaimler aurait-il perdu la tête ? Le constructeur allemand a retenu le Diesel 1.5 dCi Renault pour sa toute nouvelle Classe A. Déjà passablement écornée, l’image d’indestructibilité des voitures à l’Etoile ne s’en relèvera pas. A moins que…

Devant l’aéroport de Berlin, la longue colonne de taxis de couleur ivoire compte moins de Mercedes-Benz que naguère. Des problèmes à répétition au début des années 2000, dus autant à des économies mal placées qu’à la fiabilité aléatoire de l’électronique en échaudèrent beaucoup.

Ceux demeurés fidèles à la marque craignent aujourd’hui que l’annonce du partenariat avec Renault ne soit le signe d’une nouvelle période d’égarement, lorsque la firme de Stuttgart oublie ce qui a fait sa réputation et cède à la tentation d’une réduction des coûts.

En réaction, certains ont habillé la célèbre Etoile en bout de capot d’un Losange hâtivement tracé sur le papier. A bon entendeur…

En France aussi, on s’alarme. L’hebdomadaire Auto Plus rapportait dans son édition du 25 juin 2012 le cri du cœur poussé par un internaute : “Les huiles de Mercedes auraient-elles des velléités de suicide commercial ? Installer le 1.5 dCi Renault dans la nouvelle Classe A, c’est totalement inepte.” Ne croyez pas que cela soit un cas isolé : voilà des semaines que nos proches nous interrogent au sujet de cette décision surprenante. Les uns s’en amusent, voire s’en enorgueillissent ; les autres s’en inquiètent et entrevoient une descente aux enfers pour le symbole de la qualité allemande. Jamais, depuis le fâcheux épisode du retournement de la première Classe A lors d’un test d’évitement en 1997, Mercedes-Benz n’eut à subir un tel procès à charge.

“Une Mercedes à moteur Renault ? C’est comme faire du béret-clope-au-bec l’uniforme officiel du chauffeur de limousine.”

Vox populi vox dei. A entendre les éminents “spécialistes automobiles” qui taillent la bavette autour de la machine à café, fourrer un 4-cylindres Diesel Renault sous le capot de la nouvelle Classe A équivaut à offrir à sa fiancée une bague de pacotille dans l’écrin d’un grand joaillier. Il faut avoir le goût du risque !

D’autres voient la chose avec moins d’humour encore : il y aurait là carrément tromperie sur la marchandise. “C’est un peu comme si une boutique de mode réputée s’amusait à coudre ses étiquettes sur des vêtements fabriqués en Chine ou en Inde”, me confiait hier une jeune collaboratrice visiblement très attachée à l’image des marques.

Tel est pourtant précisément le jeu auquel jouent la plupart des grands noms du prêt-à-porter. Les enquêtes réalisées par les associations de consommateurs le prouvent : sans étiquette, la victime, pardon ! le consommateur est bien en peine de distinguer l’article griffé du tout-venant. Aussi a-t-il pris pour habitude de tenir le prix pour un indicateur fidèle de la qualité d’un produit.



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Erreur funeste ! Ce qui est vrai dans le domaine de la mode l’est aussi dans celui de l’automobile. A quelques exceptions près, le consommateur en a rarement pour son argent. Voici deux semaines, je vous faisais part de mon trouble dans un article intitulé “Entre un Scénic et un Lodgy, mon cœur balance. Mon portefeuille aussi”, où je doutais qu’un monospace Renault puisse justifier un surcoût de dix mille euros par rapport à une Dacia dotée de la même motorisation.

“Une Mercedes peut-elle décemment s’en remettre à un moteur Renault sans déchoir ?”

A cela, le premier vendeur un tant soit peu habile me rétorquera qu’il en va de mon prestige. Quitte à rouler en bétaillère, autant choisir celle que tout le monde n’a pas les moyens de s’offrir, n’est-ce pas ? Peu importe qu’un Scénic ou qu’une Mégane livre un équipement plus fourni qu’une Classe B ou qu’une Classe A, à tarif égal : l’important est de mettre un pied dans le monde prestigieux de Mercedes-Benz.

Le prestige rejaillira-t-il sur mon humble personne de la même manière lorsque mon voisin hilare aura eu vent des origines gauloises de la motorisation de ma petite Mercedes prétentieuse ? Passe encore qu’une Ford Focus fasse appel à un Diesel Peugeot… Mais une Mercedes ? Peut-elle décemment s’en remettre à Renault sans déchoir ?

On le voit, tout est affaire d’image et de réputation. Or, si l’acheteur d’une Renault est prompt à en dénoncer sa moindre défaillance, celui qui débourse 50.000 euros pour une Mercedes-Benz capricieuse préfère garder le silence, de peur de passer pour un gogo. En vérité pourtant, certains modèles Renault figurent en tête des études de fiabilité et de satisfaction clientèle, tandis que certaines Mercedes ont pâti de défauts de conception fort agaçants.

Le 4-cylindres Diesel de l’ancienne Classe A ? Il n’est pas un spécialiste, pas un journaliste automobile normalement constitué pour déplorer son retrait du catalogue. Pas davantage pour prétendre que la version modernisée du 1.5 dCi Renault (type K9K, pour les intimes) ne le remplacera pas avantageusement sous le capot de la nouvelle petite Mercedes.

Oubliez la fable selon laquelle Daimler aurait cédé au chantage de Renault : adopter le “K9K” ne fut jamais le prix à payer pour jouir du privilège d’apposer l’Etoile à trois branches sur la calandre du Kangoo. Certes, il brûlait à Mercedes-Benz de compléter sa gamme de véhicules utilitaires et de prendre une part du gâteau que représente le marché des fourgonnettes et ludospaces de type Kangoo, Berlingo et Caddy. Mais pas à n’importe quel prix. Chez Daimler, on a la tête sur les épaules : si le 4-cylindres Renault s’est imposé, c’est parce qu’il répond à ses exigences. Tant techniques que comptables.

“Les ingénieurs allemands avaient une admiration nouvelle pour notre moteur qui n’avait pas cassé.”

Je vous sens toujours dubitatif. Nous le fûmes un peu nous-mêmes, il faut bien l’avouer. Tout du moins jusqu’à ce jour du mai 2011, lorsque les motoristes de chez Renault se sentirent d’humeur à faire des confidences. C’était après une interview consacrée à leur tout nouveau moteur Energy 1.6 dCi de 130 chevaux. Ce jour-là, deux éminents ingénieurs dont nous protégeront l’anonymat levèrent un coin du voile sur l’état de leurs relations avec leurs homologues de Stuttgart.

“Ils sont venus avec de sérieux préjugés et en montrant à notre égard une certaine condescendance”, témoigna le premier. “En clair, les Allemands doutaient que notre moteur puisse endurer les tests auxquels ils soumettent leurs propres mécaniques et à l’aune desquels ils évaluent les moteurs de la concurrence. Très clairement, ils étaient là parce que leur direction leur avait demandé de déterminer ce qu’il y avait “de valable” chez Renault. Mais aucun ne pensait sérieusement voir l’un de nos moteurs équiper un jour leurs voitures.”

Pourtant l’impensable arriva et le 4-cylindres 1.5 dCi tint bon. “Lorsque les Allemands sont revenus nous voir, leur attitude avait changé”, me confia le second ingénieur Renault. “Ils ont admis bien volontiers leur surprise et leur admiration pour notre moteur qui n’avait pas cassé. Subitement, ils nous pressaient de questions : ils voulaient savoir comment Renault pouvait produire à si bon prix un moteur si efficace et si solide. A leurs yeux, cela tenait du miracle.” Et c’est ainsi que Daimler toucha du doigt les secrets des motoristes de Rueil-Malmaison qui, toujours, cherchent “la bonne équation économique”. Celle qui fait du 1.5 dCi 110 “K9K” le meilleur rapport entre prix de revient et performances.

Il faut dire que Renault a multiplié les astuces de conception. Pour commencer, le moteur “K9K” est dérivé d’un bloc essence, plus léger. Ensuite, Renault s’est aperçu qu’une culasse à seize soupapes constituait une dépense superfétatoire : pour preuve, son concurrent PSA est passé de 16 à 8 soupapes voici peu. Autre économie : en restant bien en-deçà des 2000 bars de pression d’injection, la pompe à carburant coûte moins cher et consomme moins d’énergie. Mieux, Renault a réussi à se passer de débitmètre d’air et à le remplacer par un algorithme : c’est une pièce en moins et un risque de panne écarté. Quant au filtre à particules aujourd’hui indispensable, Renault l’a implanté plus haut que chez Fiat et chez PSA, où il empiète sur la bâche à huile. Ce qui influe sur la périodicité des vidanges au détriment des coûts d’entretien…

Au final, les études menées indépendamment par Renault et par Daimler ont démontré que le prix de revient du 4-cylindres 1.5 dCi est inférieur à celui du 3-cylindres TDI du Groupe Volkswagen. Ce qui n’a rien d’anecdotique lorsqu’on sait qu’il en coûte plusieurs dizaines d’euros par moteur pour réduire d’un gramme le taux d’émission de CO2 (entre 28 à 40 euros en moyenne selon les régions du globe). Pour Daimler qui avait déjà investi des centaines de millions d’euros dans la conception d’une plate-forme et d’une boîte de vitesses inédites pour les Classe A et B, le choix relevait de l’évidence. Il n’en fallait pas moins pour battre en brèche le chauvinisme des comptables allemands et glisser un moteur français sous le capot d’une Mercedes-Benz ! Une grande première.

Alors, suicidaire la direction de Daimler ? Certes non. Jamais moins qu’aujourd’hui, en ce monde ultra concurrentiel. Source

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