27 avril 2024

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Le mensonge qui a permis la guerre en Irak

Curveball
Curveball
C’est le plus grand mensonge de l’histoire de l’espionnage – le plus meurtrier aussi.Une mystification imaginée par un quidam qui a servi de prétexte principal à l’invasion de l’Irak, il y a dix ans.Cette extraordinaire affaire est apparue au grand jour le 5 février 2003, à l’ONU.

Ce soir-là, dans un discours resté célèbre, le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, lançait au monde : “Il ne peut faire aucun doute que Saddam Hussein a des armes biologiques” et “qu’il a la capacité d’en produire rapidement d’autres” en nombre suffisant pour “tuer des centaines de milliers de personnes”.

Grâce à des “laboratoires mobiles” clandestins qui fabriquent des agents atroces tels la “peste, la gangrène gazeuse, le bacille du charbon ou le virus de la variole”.

Sûr de son fait, le puissant Américain ajoute : “Nous avons une description de première main” de ces installations de la mort.

Le menteur de Bagdad Colin Powell lors de son célèbre discours à l’ONU, le 5 février 2003, présente “les preuves” sur les armes de destruction massive.

La source de cette information effrayante, pièce maîtresse du procès de l’administration Bush contre Saddam Hussein, est, assure Powell aux Nations unies, un “transfuge [qui] vit à l’heure actuelle dans un autre pays, dans la certitude que Saddam Hussein le tuera s’il le retrouve”.

Il s’agit d “un témoin direct, un ingénieur chimiste irakien qui a supervisé l’un de ces laboratoires”, “un homme qui était présent lors des cycles de production d’agents biologiques”.

Qui est exactement cet informateur si important?

En février 2003, seule une poignée de personnes une dizaine tout au plus – connaît sa véritable identité, son parcours et son lieu de résidence.

On ne lui a fourni que son nom de code, “Curveball”, et celui de son service traitant, le BND allemand.

Dix ans plus tard, on connaît l’identité de cet Irakien qui a fourni le prétexte idéal à ces néo-conservateurs américains obsédés par Saddam Hussein : il s’appelle Rafid al-Janabi.

Aux dernières nouvelles, il vit dans un petit appartement avec sa femme et ses deux fils, près de Karlsruhe, en Allemagne.

“Le Nouvel Observateur” a reconstitué son histoire hors du commun grâce aux témoignages de plusieurs responsables américains de l’époque, aux rapports de commissions du Congrès sur l’affaire et aux rares interviews que Rafid al-Janabi a accordées ces derniers mois dans quelques médias allemands et anglo-saxons (il n’a jamais répondu à nos multiples demandes d’entretien).

Sorti d’Irak grâce à un passeur, ce solide gaillard a 31 ans et un faux passeport acheté, assure-t-il, à Rabat, au Maroc, l’une des étapes de son long périple vers l’Europe.

Rafid n’est plus interrogé par un fonctionnaire lambda, mais par un certain Dr Paul, qui se présente comme inspecteur de l’ONU, spécialisé en armes de destruction massive.

En fait, c’est le chef de la division contre-prolifération du BND – une huile de l’espionnage.

Le BND envoie un résumé des interrogatoires de la source miracle à son partenaire américain habituel, le service de renseignement de l’US Army, la DIA, qui a une importante base à Munich depuis les années 1950.

L’informateur vedette devient un modeste travailleur immigré comme les autres.

En mai 2002, la CIA demande au BND de reprendre contact avec le jeune Irakien.

Pour l’interrogatoire, c’est toujours non.

Mais pour utiliser ce qu’il dit, c’est oui, à condition de ne pas mentionner le nom du service traitant et en n’oubliant pas que les dires de cette source n’ont pas été “confirmés”.

Quelques mois après l’invasion de l’Irak, quand il est devenu évident que Saddam Hussein n’avait pas de telles armes, un groupe d’agents de la CIA a entrepris de comprendre l’affaire “Curveball”.

Comment a-t-il pu berner si longtemps le BND et la CIA?

Comment a-t-il inventé et rendu crédible son histoire de laboratoires mobiles?

Une commission du Congrès a cherché à savoir si, comme d’autres transfuges, Rafid avait été briefé puis envoyé en Europe par Ahmed Chalabi, le chef d’un parti d’opposants à Saddam Hussein qui a réussi à intoxiquer une partie de la presse et des services américains.

Bien que l’un de ses frères ait fait partie de ce groupe, il semble que Rafid lui-même n’ait eu aucun contact avec Chalabi et ses sbires.

Les spécialistes pensent plutôt qu’il a agi seul, qu’avant de quitter l’Irak le jeune chimiste devenu chauffeur de taxi a lu sur internet le très gros rapport que les inspecteurs de l’ONU avaient publié après leur expulsion du pays.

C’est là qu’il a pu mémoriser les noms des responsables du programme biologique avant son démantèlement et la description précise du site d’Al-Hakam.

C’est là aussi qu’il a appris que les inspecteurs de l’ONU avaient mis la main sur une note écrite au début des années 1990, dans laquelle l’un des ingénieurs du programme biologique proposait à ses chefs de créer des laboratoires mobiles, plus faciles à cacher.

Rafd ignorait que cette idée, jugée “trop compliquée”, n’avait pas été retenue.

Malgré ces découvertes embarrassantes, ou peut-être à cause d’elles, le BND accorde en 2004 à “Curveball” un salaire mensuel de 3 000 euros.

C’est une compagnie bidon montée à Munich par le service secret qui le rémunère en tant que “spécialiste en marketing”.

En échange, il lui est interdit de parler à la presse.

Pourtant son nom est révélé pour la première fois en 2007 par la chaîne américaine CBS.

Le public allemand apprend alors que Raifid, qualifié de “menteur” par la CIA en mai 2004, est rémunéré par l’Etat.

Le scandale est tel que Rafid perd son salaire.

Il tente alors sa chance en Irak et se présente aux élections législatives de mars 2010, où il ne recueille que 17 000 voix.

Il revient, penaud, dans son pays d’adoption, dont il a acquis la nationalité, et accorde sa première interview en février 2011, au quotidien britannique “The Guardian”.

Il y reconnaît avoir menti sur cette histoire de labos mobiles.

“J’ai eu la chance, dit-il, d’avoir inventé quelque chose qui a fait tomber Saddam.”

Depuis, lors de ses rares apparitions publiques, il se plaint de vivre du minimum social et, surtout, que le BND ne lui paie plus ses notes de téléphone. Source

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Société de médias - PCI

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