Est-ce que la France va finalement adopter le système parlementaire ?

Il s’agit d’une situation de rupture où le Premier ministre, qualifié de « le plus faible de la Ve République», a soumis à l’Assemblée la plus divisée des 60 dernières années, une proposition pour prendre les rênes du pouvoir. En décidant de ne pas recourir à l’article 49.3, Sébastien Lecornu a pris l’engagement que les députés auraient toujours le pouvoir final, que ce soit concernant le budget ou tout autre texte législatif. Il dessine ainsi les contours d’une possible réforme de notre système démocratique représentatif : « Le gouvernement propose, nous débattons, vous décidez ! », a-t-il réitéré à plusieurs reprises.
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Ce fonctionnement, largement adopté par nos pays voisins, ne constitue pas une rupture avec les textes, mais avec la tradition présidentielle et verticale de notre Cinquième République. Une révolution culturelle authentique a été initiée par le président Mao avec son appel à la diversité des opinions : « Que cent fleurs s’épanouissent ! » En réponse, le Premier ministre Lecornu a souligné l’importance de la pluralité des idées en déclarant : « Que mille amendements jaillissent ! »
Il ne le propose ni par altruisme, ni par bienveillance, mais par impératif et par clairvoyance. Dépourvu de majorité, l’exécutif est affaibli et contraint de compter sur les députés pour assurer sa pérennité et élaborer le budget de la France.
Il revient désormais aux parlementaires de saisir cette opportunité. Ainsi, il est probable que les socialistes s’approprient cette question. En exigeant la suspension de la réforme des retraites, une augmentation de la taxation des grandes fortunes et l’abandon de l’article 49.3, ils ont légitimement obtenu satisfaction. Sous la direction d’Olivier Faure, le Parti socialiste renoue avec son identité sociale-démocrate et réformiste, ce qui lui permet de revendiquer des acquis significatifs auprès de l’électorat de gauche.
En opposition, les alliés du mouvement « dégagisme », à savoir le Rassemblement national et la France insoumise, refusent de manière unanime l’invitation à la responsabilité lancée par Sébastien Lecornu. Les deux partis ont rapidement confirmé leur intention de voter des motions de censure, lesquelles seront soumises à examen le jeudi 16 octobre. Il est rationnel de constater que l’extrême droite et la gauche radicale cherchent à créer un climat de chaos politique afin d’accélérer la tenue des élections, ce qui implique la destitution de tous les gouvernements en place et le blocage des activités parlementaires. Dans une République parlementaire, il est inconcevable pour les parlementaires de refuser d’exercer le pouvoir législatif qui leur est offert. Comme prévu, Marine Tondelier et les membres du parti écologiste qui ne semblent plus penser suivent une fois de plus l’initiative de Jean-Luc Mélenchon, malgré le risque de déclencher la dissolution souhaitée par le Rassemblement national.
Il n’est pas garanti que cette nouvelle méthode de fonctionnement parlementaire soit efficace. Le débat budgétaire a le potentiel de stagner. De plus, durant de nombreuses décennies, les députés disciplinés de la majorité votaient de manière systématique, tandis que ceux de l’opposition exprimaient leurs opinions sans être entendus. Afin d’exercer pleinement leur pouvoir législatif, ils devront acquérir la capacité de communication et de négociation pour élaborer des compromis.