Des chirurgiens dénoncent l’administration qui paralyse les blocs opératoires
« Les bonnes pratiques organisationnelles du bloc opératoire ne peuvent pas se déduire des bonnes intentions qui animent ses acteurs […]. Le chirurgien vasculaire toulousain, par ailleurs président du syndicat national représentatif des médecins spécialistes de bloc opératoire, reproche au gouvernement de semer la zizanie dans les équipes infirmières au point de mettre en péril l’accès aux soins de la population.
Pour tourner, un bloc a besoin d’un chirurgien, d’un anesthésiste et d’au moins deux infirmiers, qui peuvent être polyvalents et diplômés d’État à bac + 3 (on les appelle les IDE) ou spécialisés à bac + 5 (les Ibode). Actuellement, les blocs fonctionnent avec 13 000 infirmiers généraux et 9 000 infirmiers spécialistes.
Le décret incriminé complète un autre texte de 2015, qui sanctuarise une dizaine d’actes infirmiers (installer le patient, fixer des drains, sutures, etc.) que seuls les Ibode ont désormais légalement le droit de faire dans les blocs opératoires. En échange, ils doivent accepter de suivre avant 2025 une formation de 21 heures sur ces trois actes qu’ils pratiquent tous les jours et de transmettre avant le 31 mars 2021 un dossier d’inscription d’une dizaine de pages à la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, avec copie de leur diplôme et attestation d’employeur.
Chirurgien dans une clinique à Caen, le docteur Bernard Sergent a vu ses opérations de lundi reportées faute de personnels paramédicaux en nombre suffisant pour l’assister. « On déstabilise les blocs avec un décret qui ne sert à rien, qui renvoie dos à dos les infirmiers généraux et les infirmiers diplômés de blocs, c’est totalement incohérent en cette période. Le médecin dénonce le « culte de la formation » à tous crins et un décret « complètement déconnecté de la réalité ». »
En accumulant les contraintes réglementaires, le risque est grand de voir les infirmiers rendre leur blouse une bonne fois pour toutes. Selon une enquête d’octobre 2020 de l’ordre national des infirmiers, 43 % des paramédicaux ne savent pas s’ils exerceront encore ce métier dans cinq ans.