Depuis 2007, où sont passés les 800 millions d’euros du plan anti-pesticides ?
« Il y a une telle dispersion de moyens que l’on s’y perd.» Dès 2014, alors à la tête d’une mission parlementaire, il constate que 361 millions d’euros ont été engloutis sans résultat. Selon elle, non seulement ce plan de réduction des pesticides va mobiliser 800 millions d’euros entre 2009 et 2021, mais 400 millions d’euros de fonds publics dépensés pour les mêmes raisons par an, se sont rajoutés à cette somme. La France aurait donc dépensé plusieurs milliards pour réduire les usages de phytosanitaires en dix ans, sans tenir cette promesse, puisque au contraire, leur usage a augmenté en moyenne de près de 15 %. 9,5 millions d’euros par an ont permis de mobiliser 4 000 observateurs issus de chambres d’agriculture, de coopératives, d’instituts techniques, entre autres, pour surveiller 18 000 parcelles, et éditer des dizaines de bulletins de santé du végétal.
Cependant, le résultat, c’est qu’au lieu de réduire la consommation de pesticides, ce système d’alerte a parfois au contraire poussé à la consommation. Ce type de message n’a pas incité les agriculteurs à se passer de produits phytosanitaires, regrettent des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique dans un article consacré aux raisons de l’échec du plan Écophyto. Élisabeth Borne, alors ministre de l’Environnement, avait dénoncé le dispositif et fait réduire de 20 % les subventions consacrées à ces bulletins. « Il faut dire que toutes les régions n’étaient pas au même niveau», reconnaît Philippe Noyau, de l’association des chambres d’agriculture.
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Effectivement, il apparaît que les régions ayant touché le plus d’argent ne sont pas forcément celles qui ont investi le plus dans cette surveillance, ni celles qui ont le mieux réussi à baisser leur usage des pesticides. Ainsi, la chambre régionale d’Occitanie et ses partenaires ont touché plus d’un million d’euros par an, alors que l’usage des phytos a augmenté de 1 % selon les chiffres d’achats de pesticides publiés par le ministère de l’Environnement entre 2013 et 2019. La Corse, qui a reçu 200 000 euros par an, a consommé 27 % de pesticides en plus entre 2013 et 2019. Les chambres d’agriculture ne sont pas les seules responsables de cette mauvaise gestion.
L’un des autres postes majeurs de subventions correspond à l’animation d’un réseau de fermes dit «Dephy». L’idée était de fédérer un réseau de 3 000 exploitants qui s’engagent à réduire leur usage de pesticides et à partager leur expérience pour servir d’exemple aux autres. Les financements versés aux chambres d’agriculture devaient permettre de rémunérer des agents et de payer des frais de mission pour animer ce réseau. Les bons élèves n’auraient pas été montrés comme des exemples à suivre pour inciter les autres.
«Les seuls gagnants là-dedans ce sont les chambres d’agriculture par les subventions qu’on leur donne», commente une conseillère du pôle de conseil indépendant PCIA dans le Grand Ouest. En 2019, la Cour de discipline budgétaire et financière a condamné les responsables de cinq chambres d’agriculture pour avoir financé des syndicats agricoles. En 2016, la même chambre avait déjà provoqué l’ire des agriculteurs en finançant un voyage d’études en Afrique du Sud d’une valeur de 80 000 euros pour les élus, mais également leurs conjoints.
«Ce plan a été pensé avec une vraie logique de guichet», estime l’ex-chercheuse de l’Inra Laurence Guichard. Ainsi, de nombreuses études qui ont bénéficié de subventions doublonnent. Le plan attribue, notamment, plus de trois millions d’euros à une étude baptisée «Pestiriv», dont la mission est de mesurer l’exposition des riverains des vignes aux pesticides. «On voit bien qu’aujourd’hui on a une multitude d’études qui ne sont pas faites pour accompagner la transition, en revanche pour chercher des subventions», regrette Hervé Lapie, secrétaire général adjoint de la FNSEA.
Le groupe InVivo a ainsi bénéficié de plus 300 000 euros, pour tester des solutions visant à réduire l’usage de produits de synthèse contre les limaces. Mais, dans le même temps, le groupe agricole a racheté plusieurs grosses sociétés irlandaise, brésilienne et chinoise pour devenir l’un des leaders de la distribution de pesticides dans le monde.
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À son arrivée au ministère de l’Agriculture, Stéphane Le Foll a tenté d’instaurer un système de pénalités afin que les vendeurs de pesticides proposent davantage d’offres alternatives à l’usage de produits chimiques. Depuis deux ans Remy Arsento, représentant SNE-FSU au conseil d’administration de l’Office français de la biodiversité, qui gère une partie des financements Écophyto, vote contre le financement de ce plan. «On n’est pas contre la réduction des pesticides, explique le délégué syndical, mais quand on continue à voter les mêmes projets qui ne portent pas leurs fruits, on se dit que cela revient un peu à gaspiller l’argent public.» Son vote est cependant sans conséquence. Comme il est minoritaire au conseil d’administration, le financement du plan est encore adopté.
«Pour un politique qui veut se faire réélire, explique Claudine Joly, membre du comité d’orientation stratégique du plan pour France Nature Environnement, il est plus facile de déclarer que l’on encourage les bonnes volontés» rapporte francetvinfo.fr.
Cela commence en 2007, Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Environnement, lançait un grand projet : réduire de 50 % l’usage des pesticides, en 10 ans si possible, à travers un grand programme de subventions baptisé plan “Écophyto 2018”. En conclusion du Grenelle de l’environnement, Nicolas Sarkozy s’en félicite devant les représentants des organisations agricoles. Aujourd’hui pourtant, le député socialiste de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier fulmine : « C’est une incurie. Il y a une telle dispersion de moyens que l’on s’y perd», informe franceinfo.fr.