Des milliers de milliards de dollars toujours à l’abri dans des paradis fiscaux
La nouvelle enquête du Consortium international des journalistes d’investigation et ses partenaires, dont la cellule investigation de Radio France, démontre que de nombreuses personnalités fortunées échappent toujours à l’impôt en ayant recours aux paradis fiscaux. Si les «Panama Papers» avaient été un électrochoc, cette nouvelle enquête planétaire est une confirmation.
Les «Pandora Papers» représentent l’enquête la plus importante jamais menée par le Consortium international des journalistes d’investigation et ses partenaires, dont la cellule investigation de Radio France. Durant de nombreux mois, 600 journalistes de 150 médias répartis dans 117 pays ont épluché 11,9 millions de documents issus de 14 cabinets spécialisés dans la création de sociétés offshore.
À l’époque des «Panama Papers», seules avaient été analysées les données du cabinet Mossack Fonseca, et les conclusions de cette vaste enquête laissent sans voix. Un document issu des Pandora Papers révèle notamment que grâce à un seul cabinet d’avocats panaméen dirigé par un ancien ambassadeur panaméen aux États-Unis, des banques situées à différents endroits du globe ont créé au moins 3 926 sociétés offshore.
Selon les documents révélés par l’ICIJ et ses partenaires, il a créé au moins 312 sociétés dans les seules Îles Vierges britanniques, à la demande du géant américain de la banque Morgan Stanley. Pour quelques centaines ou quelques milliers de dollars seulement, les prestataires offshore permettent à leurs clients de créer des sociétés dont les véritables propriétaires restent cachés. Ce cabinet connu sous le nom d’Alcogal, possède des bureaux dans une douzaine de pays.
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Les cabinets offshore s’associent donc à d’autres cabinets, ce qui leur permet de créer des couches imbriquées de sociétés et de trusts.
En décembre 2018, les Bahamas ont adopté une loi contraignant les sociétés et certains trusts à déclarer l’identité de leurs véritables propriétaires. L’archipel était alors sous la pression de grands pays, dont les États-Unis. «Les gagnants de ces nouvelles règles sont les États américains du Delaware, de l’Alaska et du Dakota du Sud», estime un avocat local. Depuis une dizaine d’années, le Dakota du Sud mais aussi le Nevada, et plus d’une douzaine d’autres États américains se sont transformés en paradis fiscaux.
Si les autorités américaines ont contraint les banques de Suisse et d’autres pays à communiquer les informations qu’elles possèdent sur les ressortissants américains titulaires de comptes à l’étranger, elles semblent cependant beaucoup moins promptes à leur accorder la réciprocité. Le pays a refusé d’adhérer à un accord de 2014 soutenu par plus de 100 juridictions, dont les îles Caïmans et le Luxembourg, qui aurait obligé les institutions financières américaines à partager les informations dont elles disposent sur les avoirs des étrangers chez elles.
L’une des plus grandes sociétés fiduciaires de l’État aurait aujourd’hui des clients répartis dans 54 pays et 47 États américains, parmi lesquels plus de 100 milliardaires. Selon une étude de l’universitaire israélien Adam Hofri, 17 des 20 juridictions les moins restrictives au monde pour les trusts se trouvent désormais aux États-Unis. Selon Yehuda Shaffer, ancien chef de la cellule de renseignement financier israélienne, il est «clair que les États-Unis constituent une énorme faille. » .