Vacciner les enfants de 5 a 11 ans servirait “juste à protéger les adultes non vaccinés”
Les États-Unis, comme plusieurs autres pays, ont élargi la vaccination contre la Covid-19 aux enfants de 5 à 11 ans. L’Agence européenne du médicament vient, elle, de recommander l’injection du vaccin Pfizer/BioNTech pour cette tranche d’âge. Une validation qui rapproche un peu plus la France de cette éventualité.
Alors que plusieurs pays ont déjà franchi le cap et que les autorités européennes de santé ont donné leur feu vert jeudi, la question de la vaccination contre la Covid-19 des jeunes enfants de 5 à 11 ans est encore en suspens en France. Faut-il, oui ou non, vacciner cette partie de la population ? La balance bénéfice-risque reste incertaine et la question crée le débat.
La France enregistre actuellement une forte hausse des contaminations. «Le rôle des enfants dans la circulation du virus existe, il est indiscutable, mais pour autant il n’est pas majeur, et en tout cas, il est beaucoup moins important que celui de leurs aînés», nuance Christèle Gras-Le Guen, chercheuse en épidémiologie et présidente de la Société française de pédiatrie.
Si elle s’avérait utile pour freiner la propagation du virus, la vaccination des 5-11 ans servirait «juste à protéger les adultes», les enfants étant très peu sujets aux formes graves de la Covid-19, estime la pédiatre.
«Le poids de la maladie liée à la Covid-19 chez l’enfant et le petit enfant, en particulier les moins de 11 ans, est vraiment modeste. Il y a eu peu d’enfants hospitalisés en soins critiques, seulement une dizaine dont on déplore le décès et les formes graves de la maladie restent rares. Donc quand on met en parallèle les 120 000 morts chez l’adulte, on voit bien que le poids de la maladie est différent. Le bénéfice directe d’une vaccination chez l’enfant serait minime, car cette maladie les affecte très peu», ajoute-t-elle.
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Une thèse soutenue par Jean-Paul Hamon : «Pour les enfants, le rapport bénéfice-risque n’est pas en faveur du vaccin. Les enfants font très peu de formes graves et pour le moment, ce rapport est nettement en faveur de l’abstention, sauf pour les enfants qui seraient immunodéprimés ou qui auraient des facteurs de risques importants. Aux États-Unis, où il y a un fort taux d’obésité, il existe un intérêt à vacciner les enfants. En France, pour le moment, on n’en est pas là». L’urgence n’est donc pas la même.
Le manque de recul sur les effets de la vaccination sur les enfants en bas âge interroge. «On a vu durant l’été qu’il y avait dans ce virus des spécificités jamais vues, qui n’ont pas les mêmes effets selon l’âge du patient. Idem pour le vaccin. On a observé des effets secondaires chez l’adolescent différents de ceux qu’on avait observé chez l’adulte. À ce titre, il nous paraît ainsi indispensable d’attendre d’avoir du recul sur les effets indésirables potentiels du vaccin avant de le proposer à des enfants qui ne vont pas en bénéficier directement», souligne Christèle Gras-Le Guen.
Des inquiétudes en partie balayées par les résultats préliminaires d’un essai clinique mené par Pfizer, qui montrent l’absence d’effets secondaires lourds et ne révèlent que des effets mineurs. «On a été rassurés grâce à deux travaux qui ont été publiés et qui attestent, sur des populations d’environ 4 500 enfants, de l’absence d’effets secondaires graves et fréquents. C’est grâce à ces travaux que le vaccin a pu obtenir l’autorisation de mise sur le marché en Europe».
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«À l’inverse, il reste un point d’interrogation sur l’existence potentielle d’effets secondaires qui seraient rares, qu’on ne pourrait pas voir sur une population de 4 500 enfants, mais qui nécessiteraient des données de pharmacovigilance conduisant à distribuer des millions de doses du vaccin afin de relever tous les effets secondaires potentiels. C’est ce qui avait fonctionné pour l’AstraZeneca, qui avait été identifié début 2021 comme susceptible de provoquer des thromboses et dont l’utilisation avait finalement été modifiée a posteriori. C’est ce qui nous manque aujourd’hui en France chez le petit enfant. On souhaiterait avoir des données de pharmacovigilance qui nous permettraient d’en savoir plus».
Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est prononcé, vendredi 17 décembre, en faveur de l’ouverture de la vaccination contre la Covid-19 à tous les enfants de 5 à 11 ans. Cependant, il a insisté sur le fait de laisser le choix aux parents, en excluant d’imposer un pass sanitaire aux enfants. “Il est important de vacciner les enfants et que cette vaccination soit bien suivie”, a déclaré lors d’une conférence de presse l’obstétricienne Alexandra Benachi, membre du CCNE, en présentant cet avis rendu jeudi au gouvernement, qui s’était engagé à le suivre.