Air France et Lufthansa dénoncent les normes européennes

L’Europe agit à son propre désavantage. Il s’agit du message que Benjamin Smith, le directeur général d’Air France, et Carsten Spohr, le PDG de Lufthansa, souhaitent communiquer lors d’une interview conjointe publiée dans Les Échos et la presse allemande. Collectivement, les dirigeants critiquent les réglementations du secteur du transport aérien défavorables à leurs compagnies.
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Selon leur déclaration, l’Union européenne est caractérisée par un marché ouvert, cependant ses concurrents ne sont pas assujettis aux mêmes contraintes réglementaires ni aux mêmes charges fiscales, et ils bénéficient d’avantages dont nous ne disposons pas. Selon leur analyse, le constat est sans appel : actuellement, 50 % du volume de vols entre l’Europe et d’autres destinations sont assurés par des transporteurs étrangers. Cela pourrait compromettre l’avenir des compagnies aériennes et les 12 millions d’emplois du secteur du transport aérien en Europe.
Ils ne requièrent même pas une augmentation du protectionnisme. Ils réclament que l’Union européenne cesse d’imposer des taxes et, plus particulièrement, des normes qui les pénalisent. Les compagnies aériennes sont tenues de respecter des normes écologiques strictes, telles que l’obligation d’utiliser un pourcentage minimum de carburant d’aviation durable pour leurs vols long-courriers au départ de Paris, Amsterdam, Munich ou Zurich, contrairement à leurs concurrents qui ne sont pas assujettis à cette exigence. Bien qu’ils affirment être convaincus de décarboner le secteur le plus rapidement possible.
Une situation semblable à celle observée dans le secteur automobile. La majorité des fabricants automobiles, malgré leur concurrence, ainsi que leurs fournisseurs, sollicitent auprès des autorités de Bruxelles une certaine flexibilité concernant l’interdiction de la vente des véhicules thermiques d’ici 2035. Ils estiment que les délais imposés sont trop contraignants, d’autant plus que des amendes sont envisagées d’ici cette échéance. En s’appuyant sur cet argumentaire, il est possible de soutenir la transition écologique et la transition vers des véhicules moins polluants, tout en préservant l’industrie européenne, laquelle emploie 13 millions de personnes et est confrontée à des défis concurrentiels avec l’Asie et l’Amérique.
Cependant, l’Europe peine à comprendre cela. Elle a instauré des mesures de protection dans le secteur de l’acier, néanmoins, celles-ci sont arrivées trop tard : la production a été délocalisée hors d’Europe. Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission, commence à peine à exprimer une « préférence européenne », cependant cette démarche demeure encore trop timide, trop lente, et trop modeste. Pendant ce laps de temps, il est à noter que les Américains investissent massivement et parviennent à attirer des investissements.
Les élites européennes sont souvent en train de se tirer une balle dans le pied. Ils éditent des normes qui ne sont pas obligatoires pour les concurrents des entreprises européennes. Il ne faut pas s’étonner que l’Europe soit en déclin.