Les farines animales reviennent par la petite porte

Les farines animales reviennent par la petite porteParties à grand bruit, revenues à tous petits pas. Les farines animales reviennent sur le devant de la scène à l’occasion d’un lugubre anniversaire. Le 28 février 1991, il y a 25 ans, c’était la découverte du premier cas français d’encéphalopathie spongiforme bovine (dite maladie de la vache folle), une maladie neurodégénérative touchant les bovins et pouvant se transmettre à l’homme. À l’origine de l’épizootie, des farines animales contaminées par les restes d’animaux malades.

La décision d’en finir avec cette source de protéines est prise en plusieurs fois: en 1994, les farines animales (qui sont seuls porteurs du prion) sont interdites en France pour nourrir les ruminants, à l’exception des protéines issues des produits laitiers ou des poissons.

Certaines farines animales bannies pour la consommation, celles issues des bovins, se mélangeaient parfois à l’usine avec celles autorisées, les farines de porcs ou de volailles par exemple.

C’est ce qui pousse – de concert – le président la République Jacques Chirac et son Premier ministre Lionel Jospin à interdire, en France, toute exploitation des farines animales en novembre 2000. Une interdiction suivie par celle de l’Union européenne un an plus tard. Nos animaux de compagnies, eux aussi, continuent de dévorer des farines de ruminants avec leurs croquettes.

La Commission européenne, dans son règlement, a ajouté un garde-fou qu’elle estime suffisant: l’interdiction du cannibalisme. Autrement dit, si les poissons mangeront de la poule et du porc, impossible de picorer d’autres poissons réduits en poussières. Un principe qui s’appliquera à de futures ouvertures: les cochons ne mangeront pas de farine de cochon, les boeufs de farine bovine…la “barrière d’espèce” reste infranchissable.

Le dossier des farines animales est régulièrement évoqué à partir de 2010, mais c’est en 2013 que la porte s’ouvre, ou s’entrouvre, au retour des farines animales dans l’hexagone, sous la pression de Bruxelles.

Attention, on ne parle plus désormais de farines animales, mais de protéines animales transformées ou PAT: le ministère de l’Agriculture y tient.

À LIRE AUSSI >> Malgré la crise de la vache folle, les farines animales vont-elles faire leur retour en France ?

“La différence entre les Protéines Animales Transformées (PAT) et les farines animales d’autrefois est à peu près comparable à celle qui distingue l’eau de source des eaux usées” s’enflamme ainsi la commission des affaires économiques du Sénat sur la question en 2013.

Les fameuses protéines, sont désormais classées en trois catégories. Les deux premières contiennent, à différents niveaux, des matières à risque et sont désormais exclues de la consommation par d’autres animaux, pour servir essentiellement, de combustible. La catégorie 3, constituée uniquement de morceaux jugés sans risque sanitaire, qui ne peuvent pas être porteurs du prion, sera celle qui ira nourrir les poissons.

Le pays bannit les farines animales de moindre qualité et susceptibles de transmettre le prion (les catégories 1 et 2 évoquées plus haut), mais autorise que les bovins soient nourris avec certaines protéines animales transformées, issues du sang, de la peau ou du gras d’un ruminant de la même espèce.

Nicolas Hulot, ex-ministre de l’Environnement, avait ainsi tiré la sonnette d’alarme à ce sujet, appelant à rejeter le CETA (traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada), pour cette raison de cannibalisme entre autres. Plusieurs membres du gouvernement avaient alors dû monter au front pour contredire cette affirmation, assurant que les animaux nourris aux protéines animales de bovins restaient interdits sur le sol européen.

Jacques Maire, député LREM chargé de l’examen de l’accord du CETA, a tranché le 10 juillet 2019 en faveur de l’interprétation de Nicolas Hulot et des opposants au texte: il sera bien possible au Canada d’exporter dans l’hexagone son boeuf nourri aux farines animales, y compris les farines de bovins.

C’est le reniement, par importations interposées, du fameux principe de “non-cannibalisme” posé en 2013…comme un garde-fou contre l’usage immodéré des farines animales, dont l’apport en protéine est concurrencé par le dégoût qu’elles inspirent aux consommateurs.

N'hésitez pas à nous suivre et à nous aimer :

Laisser votre commentaire