Guerre : “prêt de réparation” à l’Ukraine, financé par les avoirs russes gelés

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Comment consolider et garantir la continuité de l’assistance européenne à l’Ukraine, compte tenu de l’incertitude entourant la pérennité du soutien américain ? La question est au centre des débats lors de la réunion du nouveau Conseil européen qui se tient les jeudi 23 et vendredi 24 octobre à Bruxelles (Belgique). Les leaders de l’Union européenne (UE) aborderont spécifiquement la proposition d’un « prêt de réparation » en soutien à Kiev.

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Lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de la zone, la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a souligné aujourd’hui un large soutien en faveur de cette initiative. Elle a insisté sur l’importance de progresser sur les aspects juridiques et budgétaires. Selon elle, l’octroi du prêt de réparation pourrait avoir un impact significatif sur Moscou.

Depuis la fin du mois de septembre, les responsables politiques sont en discussion concernant cette mesure qui nécessite la libération des actifs russes gelés au sein de l’Union européenne. Franceinfo expose en détail les mécanismes envisagés par les Vingt-Sept.
Demander à la Russie de rembourser un prêt de 140 milliards d’euros.

Dès le commencement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, Bruxelles a pris la décision d’interdire « toutes les opérations associées à la gestion des réserves et des actifs de la Banque centrale de Russie », comme rappelé par le Conseil européen. Par conséquent, une somme de 210 milliards d’euros est actuellement bloquée au sein de l’Union européenne. Les revenus exceptionnels provenant de ces actifs peuvent cependant être utilisés depuis mai 2024 pour financer des initiatives de soutien à l’Ukraine, y compris sa légitime défense contre l’agression russe, comme stipulé par le Conseil européen. Au début du mois de mars, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a mis en avant l’octroi d’un prêt de 45 milliards d’euros à Kiev, établi sur les revenus provenant des actifs russes.

Lors de son discours sur l’état de l’Union le 10 septembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a suggéré la possibilité d’un « prêt de réparation » en soutien à l’Ukraine, soulignant que le conflit en cours est imputable à la Russie. Il incombe donc à la Russie de s’acquitter de cette dette. « C’est pourquoi nous devons travailler rapidement sur une nouvelle solution pour financer l’effort de guerre de l’Ukraine avec les avoirs russes gelés », a souligné la dirigeante européenne. « Il est important de noter que les actifs eux-mêmes ne seront pas affectés », a-t-elle ajouté. Le remboursement du prêt par l’Ukraine est conditionné au paiement préalable par la Russie des dommages de guerre.

Selon un document consulté par l’AFP le 17 octobre, Bruxelles envisage de proposer un prêt d’un montant de 140 milliards d’euros. Devant les membres du Parlement allemand le 16 octobre, le chancelier Friedrich Merz a mentionné la possibilité d’accorder des prêts sans intérêt destinés à soutenir l’effort de guerre de Kiev contre Moscou. Il a souligné que ces prêts, distribués progressivement, assureraient la pérennité de la capacité de défense militaire de l’Ukraine pour une durée prolongée, si besoin est.

Selon un autre rapport de la Commission européenne examiné par l’AFP, environ 185 milliards d’euros d’actifs de la Banque centrale russe sont actuellement liquides au sein de l’Union européenne. La plupart de ces actifs sont détenus parmi l’institution financière Euroclear, située en Belgique.

L’objectif est de mobiliser une part importante de ces fonds, sans recourir directement aux actifs gelés. Les Européens redoutent de créer un précédent qui pourrait compromettre la confiance en l’euro et mettre en péril les actifs européens à l’étranger. Selon Régis Bismuth, professeur à l’école de droit de Sciences Po et membre du think tank Le Club des juristes, il est pour le moment exclu de procéder à une confiscation directe des avoirs de la Banque centrale de Russie, que ce soit pour des raisons juridiques ou politiques. En effet, une telle mesure serait considérée comme violant le droit international des immunités qui protège les actifs souverains à l’étranger.

Selon Politico, qui a eu accès à un document de travail de la Commission, une option envisagée serait qu’Euroclear investisse des liquidités russes dans des obligations zéro-coupon émises par la Banque centrale européenne, avec un paiement unique des intérêts au moment du remboursement, et garanties par les États membres. Ursula von der Leyen a déclaré le 10 septembre que le risque devrait être assumé de manière collective. Selon Politico, l’argent serait ensuite versé à Kiev de manière échelonnée.

Au début du mois d’octobre, la Belgique a énoncé les prérequis nécessaires en vue d’un éventuel dégel des actifs russes gelés détenus par Euroclear. Le Premier ministre belge, Bart De Wever, a comparé cette situation à une métaphore de la poule aux œufs d’or, se demandant s’il était désormais possible de consommer ladite poule. Le pays en question craint des répercussions financières potentielles ainsi que des représailles de la part de la Russie, notamment sous forme de poursuites judiciaires. Le leader a souligné que la directrice d’Euroclear bénéficiait d’une « protection rapprochée » et a mentionné les menaces provenant de Moscou : « Toute atteinte à mes avoirs entraînera des conséquences éternelles. »

La Belgique demande une solidarité complète de la part des autres États membres concernant ce prêt. Une garantie offerte par les autres pays de l’Union européenne ou par le budget de l’Union pour assurer un éventuel remboursement, si besoin est, a été mentionnée par Bart De Wever lorsqu’il a déclaré : « J’ai expliqué à mes collègues (…) que je veux leur signature. » Il encourage également les autres nations abritant des actifs russes à assumer leur responsabilité dans le soutien à l’Ukraine. Il a plaidé en faveur d’une approche collective pour faire pression sur la Russie. Selon Politico, la Commission européenne envisage par ailleurs l’utilisation de 25 milliards d’euros d’actifs privés russes localisés dans d’autres pays européens.

Selon un document consulté par l’AFP, la Commission souligne que « certains États membres ont proposé que les fonds de ce prêt soient principalement alloués à l’acquisition d’armements en Europe ». Plusieurs nations, y compris la France, soutiennent l’allocation prioritaire des fonds européens destinés à l’Ukraine à l’industrie de défense européenne.

D’après l’analyse présentée, il est préconisé d’allouer essentiellement les 140 milliards d’euros au soutien militaire de l’Ukraine, en mettant en place des dispositions spécifiant que les contrats devraient en principe être restreints à l’Ukraine et à l’Union européenne. Selon ce document, la partie restante du prêt serait allouée au soutien financier de Kiev, et pourrait également être utilisée pour l’acquisition d’armements américains.

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