La guerre en Ukraine a mis en évidence les carences de la France en matière d’armement
«C’est très simple, si l’on n’a pas envoyé beaucoup d’armes à l’Ukraine, c’est avant tout parce que l’on était à l’os !» Le constat dressé par l’ancien député Les Républicains de 1993 à 2022, François Cornut-Gentille, ancien rapporteur du budget défense à la commission du budget de l’Assemblée nationale, peut inquiéter. La France s’est, en effet, retrouvée embarrassée lorsque la guerre en Ukraine a débuté. Contrairement à d’autres pays comme les États-Unis, la liste des équipements français est classée secrets défense. Au total, la sénatrice Hélène Conway-Mouret, secrétaire de la commission défense au Sénat, évalue l’aide française en Ukraine à quatre milliards d’euros, aide humanitaire comprise.
Bien plus donc, à priori, que les 100 millions d’euros avancés par l’ancienne ministre des Armées Florence Parly au mois d’avril 2022. Les 18 canons Caesar livrés représentent près de 25 % du parc français. Certes, la France dispose d’un modèle d’armée dit «complet», à l’inverse de certains de nos voisins, nous avons conservé un panel global d’équipement dans les trois corps d’armées , «mais cette armée complète s’est heurtée à des coupes dans les budgets de la défense depuis la fin de la guerre froide», relève Elie Tenenbaum, directeur du centre des études de sécurité à l’IFRI. « On avait 700 avions en 1991, et aujourd’hui moins de 250.» Et les budgets de la défense qui représentaient 4 % du PIB à la fin de la guerre froide, sont descendus à 1 % sous le mandat de Nicolas Sarkozy. L’armée a réduit ses effectifs de 30 % depuis les années 90.
Dans le même temps, la France serait passée à côté d’évolutions technologiques notables. « Le drone, par exemple, cela n’intéressait ni l’armée, ni les industriels. » L’annexion de la Crimée par la Russie fera l’effet d’un électrochoc.
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«Avant cela, c’était assez confortable pour les pays européens de se reposer sur les investissements américains pour leur défense, explique le général Jean-Paul Paloméros, ancien commandeur en chef de l’OTAN. Outre-Atlantique, on a eu de cesse de réclamer aux Européens de prendre leur part du fardeau. Mais, ç’a pris du temps». Jean-Paul Paloméros conseillera le candidat Emmanuel Macron pour son projet de défense en 2017.
Et le président nouvellement élu suivra ses préconisations en augmentant les budgets, d’abord de 1,7 milliard par an de 2017 à 2022, puis de 3 milliards par an jusqu’en 2025. Pour objectif d’atteindre 50 milliards finalement, soit 2 % du PIB. Si cet argent a remis l’armée à flot, il n’a cependant pas permis d’augmenter ses moyens. Certes, l’armée de terre a développé le programme Scorpion pour ses véhicules de combat, la Marine a vu le remplacement d’un sous-marin nucléaire, et l’armée de l’air a acquis quelques Rafale, mais ces remplacements restent cosmétiques.
Auparavant, on ne parlait pas de guerre de haute intensité, mais de conflits interétatiques. On évoquait des risques d’escalade engageant des puissances globales comme la Russie. On a alors appelé à une montée en puissance de l’appareil de défense français pour faire face à l’intégralité de ces menaces».
Pour le député LR Jean-Louis Thiériot, qui a écrit un rapport parlementaire sur ce sujet, «nous n’avons pas la capacité de tenir dans la durée. Au mieux, au bout de quelques semaines, nous serions en difficulté».
Ce même rapport indique que si l’on extrapolait les pertes lors des derniers conflits aériens , «il est manifeste que l’aviation de chasse française pourrait être réduite à néant en cinq jours». Compte tenu de ces carences, et alors que la guerre est aux portes de l’Europe, la France a décidé de changer de braquet.
Le chef de l’État a voulu aller vite. En juin 2022, lors du salon international de défense Eurosatory, il déclare que «nous entrons dans une économie de guerre. «Il faut avoir en tête qu’entre le moment où l’on passe la commande et celui où l’on reçoit les matériels, le temps est long, relate le député LR Jean-Louis Thiériot. » «On ne produit pas d’armes comme on produit des aspirateurs», relève la sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret.
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On ne peut pas dire qu’il n’y a pas la guerre et que l’on profite des dividendes de la paix et d’un coup dire aux industriels, garde à vous, augmentez vos cadences». La France est le 3ᵉ exportateur mondial d’armes, derrière les États-Unis et la Russie. Et il sera compliqué de mener de front cette production et une augmentation de la production française. L’Europe de la défense voulue par Emmanuel Macron s’enlise dans des désaccords.
«Dassault pense que l’Allemagne est d’accord pour financer le SCAF à condition d’avoir accès à ses technologies et ses savoir-faire. » Cette absence de confiance pourrait finalement profiter aux États-Unis. Un échec du SCAF pourrait représenter un manque à gagner de plusieurs milliards d’euros pour les industriels français.