Les caissières ont le sentiment d’être « les éternels pigeons » de la crise sanitaire
« Si les médecins n’ont pas gagné le respect des gens pendant la Covid-19, ce n’est pas nous qui allons l’avoir, faut pas rêver », marmonne dans son masque Catherine*, en haussant les épaules.
La caissière de cet Auchan parisien fait partie des « travailleurs essentiels » de la crise sanitaire, envoyé sur le terrain lors du premier confinement entre mars et mai 2020. « Pas de hausse des salaires, pas de considération – ni des patrons ni de la société –, pas d’amélioration dans les conditions de taf ». Une stagnation à l’origine de la marche des travailleurs essentiels ce jeudi à Paris, organisée par la CFDT.
À l’époque, « le salaire horaire brut moyen pour les caissiers et caissières était de 12,8 euros, contre 20,7 pour la moyenne des salariés », rappelle l’experte, qui partage le constat d’un manque d’augmentations notables dans le secteur, malgré quelques primes ici et là.
« On a tendance à l’oublier, mais en mars 2020, les caissiers travaillaient sans vitre, sans masque, sans gel, avec des clients non masqués non plus. Ils allaient au boulot avec la peur au ventre », rappelle Philippe Alonzo, maître de Conférences en sociologie à l’Université de Nantes et spécialiste de cette profession.
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« Depuis la Covid-19, les gens sont tendus, et c’est nous qui subissons insultes, mépris et attentes abusives. Certains clients, si tu ne scannes pas leur rouleau de PQ en moins de cinq dixièmes de seconde, tu as l’impression qu’ils vont faire un AVC ».
À l’autre bout du fil, Véronique Revillod confirme « une hausse flagrante des incivilités depuis deux ans, avec des clients démesurément impatients ou exigeants. Depuis, cela arrive plusieurs fois par trimestre, pour une demande de port de masque, une promotion d’article oubliée ou un passage en caisse trop lent au goût du client. »
« Les travailleurs essentiels commencent leur carrière avec un salaire inférieur de 5 % par rapport à la rémunération moyenne observée chez les 18-24 ans en début de carrière. En fin de carrière, cet écart est de 37 %, preuve de l’enlisement de cette profession », chiffre Véronique Revillod.
« Personne ne veut passer sa vie derrière la caisse. » « A force de confier les tâches les plus complexes à la machine, on a dépossédé, déqualifié le travail des caissiers, qui se sont de plus en plus amenés à remplir des missions manutentionnaires et à fournir un travail physique. Que peut-on faire ? » « On ne met pas 270 000 personnes au chômage comme ça », rassure le sociologue, rappelant de plus que les caisses automatiques, présentes dans la moitié de la grande distribution en France, n’est utilisé par moins de 20 % de la clientèle, preuve de la pérennité du métier selon lui.
Christine Erhel, économiste professeure au Conservatoire national des Arts et métiers, indique que le métier n’est pas en forte difficulté de recrutement, « même si la rotation sur les emplois est forte et les conditions de travail contraignantes ».